Les filtreurs comme l’huître plate (Ostrea edulis) sont des mollusques bivalves qui se nourrissent en filtrant la colonne d’eau et en captant les particules organiques fines d’intérêt comme le plancton et potentiellement les rejets organiques riches en provenance de la ferme marine. De plus, l’huître plate est une espèce dont les populations naturelles en Corse et dans le reste de l’Europe connaissent un déclin important du fait de la surexploitation mais aussi de maladies. A cause de cette sensibilité aux maladies, elle est notamment moins utilisée en ostréiculture. La plateforme Stella Mare cherche à acquérir des connaissances sur la biologie de cette espèce afin de maitriser son cycle de développement en vue de projets de restauration et de valorisation.
Le programme BioAttAqua s’intéresse justement à la possibilité d’incorporer la composante mollusque dans un système AIMT par l’intermédiaire de l’huître plate. Lors de la conception des structures qui allaient accueillir ces huîtres, plusieurs problématiques ont été soulevées : quels matériaux et quel type de structure utiliser, de façon à ce que leur intégration au sein de la ferme permette un fonctionnement optimal et une rentabilité potentielle ? Au final, deux prototypes à échelle préindustrielle de type « filières sub-surfaces » ont été assemblés et déployés au Sud et à l’Ouest de l’exploitation piscicole de la Ferme marine des Sanguinaires. Pendant un peu plus d’un an, plusieurs paramètres seront évalués :
- l’intérêt de différents systèmes d’élevages (paniers australiens et poches nodus)
- leur disposition à plusieurs profondeurs dans la colonne d’eau (de 6 à 16m)
- la localisation des structures par rapport à la ferme et aux courants dominants (au Sud et à l’Ouest de la ferme).
En Mars 2022, ces dispositifs ont permis le déploiement d’une 1 tonne d’huîtres plates pour un total d’environ 40 000 huîtres d’environ 25g.
araignees
Expérimentation araignées en AIMT
Les organismes opportunistes et détritivores comme l’araignée de mer (Maja squinado) sont des crustacés qui se nourrissent d’organismes animaux et/ou végétaux morts ou vivants qu’elles vont trouver ou capturer au niveau du substrat au fond de la mer. L’araignée de mer en AIMT pourrait ainsi permettre de maximiser la consommation des rejets (nourriture et fèces) en captant les particules organiques grossières qui sédimentent sous les cages à poisson. Par ailleurs, l’araignée de mer connait actuellement un déclin en méditerranée qui se traduit d’un point de vue socio-économique par une baisse importante des captures (division par deux entre 2011 et 2019). La plateforme Stella Mare a initié des travaux de recherche sur cette espèce dès 2019 afin d’acquérir des connaissances sur sa biologie et son cycle de développement. Ces recherches ont pour but de pouvoir mieux préserver cette espèce en proposant des méthodes de restauration écologique ou encore de compensation de l’activité de pêche en intégrant cette espèce en aquaculture. C’est dans ce cadre que l’araignée de mer a été proposée pour ce projet d’AIMT sur la ferme marine des Sanguinaires de Gloria Maris. Les connaissances étant limitées quant au potentiel d’élevage de cette espèce, le dimensionnement des structures s’est fait à une échelle expérimentale. Des dispositifs ont donc été placés sous les cages à poissons directement sur le fond, à une profondeur de 27m. Ces structures permettent de suivre :
- 348 individus juvéniles dans une première expérimentation en paniers australiens,
- 40 individus sub-adultes dans une seconde expérimentation en cages à filet souples d’1.5m*1m*1m,
- 120 individus à des stades intermédiaires dans une troisième expérimentation en cages à filets souples de 2m*2m*1m.
Ces 3 expérimentations devraient permettre d’évaluer les performances de croissance et de survie des araignées, de quantifier la consommation et l’utilisation des rejets de l’aquaculture dans des structures différentes et à différents stades de croissance. Les objectifs de cette expérimentation ‘araignée’ visent finalement à évaluer l’effet de l’environnement externe (par exemple l’accessibilité à la nourriture), des habitats proposés (cachettes ou non), de différentes densités d’élevage et enfin de l’intérêt de cette espèce pour l’AIMT.
homards
Tout comme les araignées, le homard européen (Homarus gammarus) est un crustacé opportuniste et détritivore qui se nourrit d’organismes animaux et/ou végétaux morts ou vivants disponibles au niveau du substrat. Le homard en AIMT pourrait également consommer les rejets (nourriture et fèces) issus des cages à poissons en captant les particules organiques grossières qui sédimentent. Par ailleurs, les connaissances sur la biologie et l’écologie du homard européen sont très limitées en Méditerranée et il y a peu de données quantitatives sur l’état des stocks en Corse, alors que la pêche de cette espèce pourrait être une alternative à celle de la langouste rouge par exemple. Depuis 2017, la plateforme Stella Mare a initié des travaux de recherche sur cette espèce afin d’acquérir des connaissances sur sa biologie et son cycle de développement. Ces recherches ont pour but de pouvoir mieux préserver cette espèce en proposant des méthodes de restauration écologique ou encore de compensation de l’activité de pêche en intégrant cette espèce en aquaculture. C’est dans ce cadre que le homard européen a été proposé pour ce projet d’AIMT sur la ferme marine des Sanguinaires de Gloria Maris. Les connaissances étant limitées quant au potentiel d’élevage de cette espèce, le dimensionnement des structures s’est fait à une échelle expérimentale. Des dispositifs ont donc été placés dans la zone la plus profonde à l’extrémité sud-est de la concession et permettent de suivre 280 individus juvéniles dans une expérimentation comparant la croissance et les taux de survie dans deux types de structures expérimentales. Cette expérimentation devrait également permettre de quantifier la consommation et l’utilisation des rejets de l’aquaculture ainsi que l’intérêt de cette espèce pour l’AIMT.
oursins
L’oursin est un échinoderme qui se nourrit en broutant et en raclant le substrat sur lequel se développent des algues et des biofilms, mais en tant qu’organisme opportuniste, il est également proposé comme candidat en AIMT dans plusieurs programmes de recherche à l’échelle internationale. L’oursin violet (Paracentrotus lividus) est une espèce à fort enjeu écologique et socioéconomique en Méditerranée. Cette espèce, bien qu’abondante au niveau de l’étage infralittoral méditerranéen, est soumise à une forte pression de pêche qui fragilise les populations. Des études menées par Stella Mare ont eu pour objectif d’améliorer les connaissances sur les stocks naturels et suivre leur évolution dans le temps, mais également de maitriser la reproduction et le cycle de développement de l’espèce. Les travaux actuels s’intéressent également à l’élaboration d’outils de gestion des stocks et de proposition de techniques d’élevages afin de contribuer au maintien des populations naturelles. C’est dans le cadre de ces travaux que l’oursin violet a été intégré au projet BioAttAqua afin de tester son utilisation et son intérêt en AIMT. Un dispositif expérimental comprenant 1100 individus répartis dans 7 cages circulaires (0.6 m de diamètre* 1m de hauteur), avec deux densités d’oursin violet juvéniles, devrait permettre d’évaluer et de comparer la croissance et les taux de survie ainsi que l’assimilation des rejets par les oursins sous les cages de la ferme marine des Sanguinaires.
holothuries
L'holothurie est un échinoderme limivore détritivore qui consomme dans son milieu naturel la matière organique fine des fonds marins. De fait, elle pourrait également se nourrir et bénéficier des rejets de la pisciculture (nourriture et fèces) pour sa croissance. Par ailleurs, l’holothurie suscite un intérêt fort d’un point de vue économique puisque sa consommation explose notamment dans les pays asiatiques et le marché mondial de cet organisme est en plein essor depuis le début des années 2000. Dès lors, cela a entrainé une surpêche généralisée des holothuries notamment dans l’océan Indien. Dans le cadre du projet BioAttAqua, il nous a donc paru intéressant de proposer une expérimentation avec une espèce d’holothurie locale (Holothuria tubulosa) afin de tester les capacités de maintien et d’élevage de cette espèce en combinaison avec la production de poissons de la ferme marine des Sanguinaires. Surtout, cette expérimentation permet d’estimer la capacité de bioremédiation des holothuries par l’intermédiaire de l’assimilation des rejets. Le laboratoire Stella Mare ne produisant pas ces organismes, une autorisation de prélèvement et d’expérimentation a été demandée et acceptée par la Direction de la Mer et du Littoral de Corse pour un total de 132 individus adultes. Les individus ont été prélevés dans le milieu naturel à proximité de la ferme piscicole et ont été placés dans 7 cages à filets souples en polyéthylène de 2m*2m*1m avec deux densités différentes (12 ou 24 individus). Un suivi régulier tous les deux mois de l’état de santé et du taux de survie des individus ainsi que de l’assimilation des rejets est réalisé.
algues
Les macroalgues représentent un compartiment essentiel à l’AIMT puisque seuls les producteurs primaires peuvent assimiler les nutriments inorganiques issus des rejets de la ferme marine (tels que les nitrates, les nitrites, l’ammonium et l’ortho-phosphates). L’algoculture représente le secteur d’activité avec la plus forte croissance à l’heure actuelle et notamment en Asie où l’on y cultive 97% de la production mondiale. Les champs d’utilisations ne cessent de se tarir avec une valeur ajoutée toujours plus importante.
En Europe et en Méditerranée l’algoculture reste marginale, il en existe des cultures dans le sud de la Méditerranée mais uniquement dans des lagunes et non en mer ouverte. Nous allons donc essayer de mettre en culture des macroalgues qui proviennent des lagunes Corse avec un dispositif de culture adapté. Après un passage en quarantaine au laboratoire Stella mare, des fagots d’algues seront disposés sur des bouts sur 2 sites différents. La croissance des fagots d’algues ainsi que les propriétés de ces dernières seront étudiées sur 2 temps d’expérimentations durant le printemps 2023.
poissons
L’élevage principal de notre système est une ferme marine de production de poissons appelée Ferme marine des Sanguinaires. Celle-ci est composée de maigres, de daurades royales et de loups et forme le premier maillon de la chaîne trophique de notre système d’AIMT. Ce système d’élevage est suivi tout au long de l’année pour la croissance des individus qui y sont élevés et leurs performances zootechniques compte tenu de l’intrant apporté : l’aliment inerte.
L’enjeu permanent des ingénieurs de la ferme marine est de maîtriser et de comprendre quels paramètres environnementaux influencent les performances de croissance des espèces élevées dans ce système en mer ouverte.
Durant cette étude, les éleveurs ont continué à suivre les indicateurs de production afin de savoir si les poissons initialement présents dans le système d’élevage étaient positivement, négativement ou non influencés par l’introduction de nouveaux organismes concentrés sous ou autour des enclos, dans l’environnement direct des poissons.
Les structures de diversification plurispécifiques ont été mises en place en 2021. Depuis cette année-là, les observations comportementales, les taux d’appétit journalier enregistrés par les éleveurs ainsi que les techniques d’élevage des poissons n’ont montré aucun signe de déviance (positive ou négative).
Les périodes à forte tendance pathologique ont été maitrisées sans démontrer une augmentation ou une réduction de l’atteinte pathogène ou parasitaire sur les poissons à la suite de l’installation de ces différentes espèces.
Les taux de croissance des maigres, daurades royales et loups sont restés identiques, au prorata de la température de l’eau relevée entre les années. En effet, la saison estivale 2022 a montré des températures d’eau très élevées, conduisant à un potentiel de croissance plus important que les années précédentes, sans avoir de lien direct avec la présence du système d’AIMT.
Ainsi, il est à noter que l’introduction de nouveaux organismes (présentant les analyses de biosécurité adéquate en termes bactériologiques et viraux) autour d’un système d’élevage en pleine mer ne contraint pas la production, ni dans les pratiques d’élevage ni dans le comportement du poisson et donc son bien-être et sa croissance.
Aujourd’hui, nous n’avons pas pu mesurer de bénéfice réel pour le système de production aquacole classique du fait de la présence du système d’AIMT. Cela reste une piste à explorer pour les études à venir …
rejets
La mise en place d’une aquaculture multi-trophique intégrée réside sur l’utilisation des rejets de la pisciculture dans une optique de valorisation par les espèces extractrices tout en permettant in fine de limiter la dispersion de ces effluents dans le milieu marin et ainsi améliorer l’état de conservation du milieu.
Un « état zéro » et un état final, visant à caractériser les caractéristiques de la colonne d’eau et des habitats benthiques avant et après la mise en place de l’AIMT, sont réalisés.
Afin de quantifier et de qualifier les rejets disponibles pour les espèces extractrices, un suivi constant des compartiments aquatiques et sédimentaires sont réalisés dans et autour de la concession de la ferme marine des Sanguinaires de Gloria Maris. Pour cela, deux dispositifs de suivi en continu de la turbidité de l’eau, des matières organiques dissoutes, de la chlorophylle a et du dioxygène ont été disposés en entrée et en sortie des courants dominants autour de la ferme. De plus, sur 11 stations de suivi (selon un gradient est-ouest d’environ un kilomètre) des prélèvements d’eau, de sédiment et de plancton sont réalisés tous les deux mois. Les prélèvements d’eau visent à quantifier les nutriments inorganiques (nitrates, nitrites, ammonium et ortho-phosphates) disponibles pour les algues. Les prélèvements de sédiments s’effectuent par l’intermédiaire de trappes à particules qui permettent de suivre la variabilité temporelle de la sédimentation ainsi que l’effet de l’élevage principal (les poissons) sur celle-ci tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. La caractérisation de la sédimentation est importante notamment pour connaitre les ressources trophiques disponibles pour les espèces extractrices détritivores, brouteuses et limivores qui pourraient être utilisées en AIMT. Les prélèvements de plancton visent à étudier la variabilité saisonnière et l’effet des cages sur les communautés planctoniques et ainsi évaluer leur disponibilité pour les organismes filtreurs.
Pour finir, les espèces extractrices devant capter une partie des rejets, ces suivis avant et après mise en place des expérimentations avec les espèces extractrices devraient permettre d’estimer la capacité de remédiation par ces espèces dans le cadre d’une AIMT durable.